Poupette67

Journal d’un chasseur.

 

Cher journal,

Le premier mois sans Dean a été pour moi un des plus déchirants, un mois sans que je ne puisse fermer l’œil. J’étais mort de trouille à l’idée de me réveiller seul. Trois mois plus tard, c’était encore l’enfer pour moi. Oh pas l’enfer que vous connaissez, les flammes, le sang et tout ce qui va avec, mais le mal que je ressentais au plus profond de mon être depuis près de trois mois était tout aussi dévastateur pour mon moral. C’était comme une prison de solitude, un vide sans fond au creux de mon abdomen que rien ne pouvait combler. J’avais besoin de trouver un moyen pour retrouver la sérénité. Parce que le grand trou noir que je ressentais au ventre ne cesserait jamais si je ne trouvais pas quelque chose pour me soulager de toutes ces pensées négatives, qui finiraient par me pousser vers une dépression dont la seule issue serait ma mort. J’ai fini par trouver un refuge bien à moi. J’ai acheté un journal. Oui je sais ce n’est pas très original. Mais dans cet ouvrage je pourrais écrire tout ce qui me passe par la tête. C’est une façon pour moi de me confier. Ce journal deviendra mon meilleur ami mais ne remplacera jamais le frère que j’ai perdu. Il ne remplacera jamais tous les bons moments que j’ai pu passer auprès de lui. Il ne remplacera pas non plus les mauvais moments de disputes que j’ai pu avoir avec lui. Il ne compensera jamais tout ce que j’ai vécu avec Dean pendant ces années, mais au moins je pourrais écrire tous mes secrets, mon vécu et tout ce que je ressens au plus profond de mon être.

Cher journal,

J’ai fait un rêve incroyable. Et voilà, rien que d’avoir écrit cette phrase me rappelle des souvenirs car à ça, mon frère Dean aurait répondu : « blonde ou brune » ou « des clowns ou des nains ». Mais ce ne sont que des souvenirs qui deviennent plus douloureux à chaque fois qu’ils s’insinuent dans mon esprit.
Aujourd’hui, nous sommes le 24 décembre 2008. Il est bientôt vingt heures et les rues de la ville sont illuminées par de belles guirlandes multicolores suspendues d’un lampadaire à l’autre, de chaque côté de la rue. Je me sens toujours aussi seul dans cette chambre de motel, seul depuis que mon frère Dean est parti pour l’enfer.
La neige a commencé à tomber dans les rues de Lewistown depuis maintenant deux heures, et la couche qui a recouvert le sol est devenue épaisse. Même si je n’ai vraiment pas le cœur à fêter Noël, je pense que Dean serait heureux que je le fête, que je fête Noël pour nous deux.
Mais avant j’ai une chasse à mener à bien. D’ailleurs m’occuper l’esprit est bien la seule chose que je puisse faire car depuis près de trois mois que Dean est mort, il me manque terriblement et je ne pense qu’à ça.
Chaque chasse que j’effectue, m’oblige à me concentrer sur ce que je fais et non sur les souvenirs que j’ai de lui et qui m'attristent.
Aujourd’hui je vais exterminer un Djinn et quand j’en aurais fini, je décorerai la chambre du motel avec des guirlandes multicolores et boirais un lait de poule en souvenir de Dean. Avant de partir, je prends mes précautions et j’appelle la seule personne sur qui je peux compter en cas de problème. Ce cher Bobby est à la fois mon ami, mon oncle, mon père. Il n’y a plus que lui sur lequel je puisse compter mais c’est difficile de me confier à lui. Je compose son numéro et attends qu’il décroche.

- Salut Bobby.

- Hey, salut Sammy. Comment ça va mon garçon ?

- Ca va. Je suis sur une chasse.

- C’est quoi ?

- Un djinn.

- Où tu es ?

- A Lewistown, Montana.

- Ok, sois prudent mon garçon.

- Oui, Bobby.

Il est temps de partir pour la chasse. Les flocons blancs ont recouvert les trottoirs de la ville. Avec toute cette neige, Dean aurait fait un Jack Frost, pas un bonhomme de neige quelconque, non ! C’aurait été trop simple pour lui ! Je m’aperçois tristement, qu’une fois encore je pense à lui et essaie de me concentrer sur la créature que je devrai éliminer.
Je démarre l’Impala de mon frère et pars à la chasse. Je m’arrête devant un magasin qui semble abandonné. Je pénètre prudemment dans cet endroit lugubre et je prends ma lampe torche électrique pour y voir plus clair. Je scrute cet espace sombre, surveillant chaque bruit et recoin de ces murs. Mais soudain je suis projeté sur le carrelage et me cogne la tête contre une étagère qui sous l’effet du choc me tombe dessus. Légèrement assommé, une douleur lancinante s’empare de moi et en quelques secondes c’est le trou noir.
Un vent froid saisissant effleure mon visage. Je me demande d’où peut provenir cet air si glacial. Ce froid polaire me réveille. Lorsque j’ouvre lentement mes paupières, je vois quelqu’un qui est penché sur moi et qui me regarde. Ma vue est encore un peu floue, mais une fois que celle-ci s’ajuste, je vois mon frère Dean.

- Allez Sammy, lève-toi ! Tu vas attraper froid dans cette neige, me dit-il en me tendant la main pour m’aider à me relever.

- Dean ? Fis-je étonné.

- Oui Sammy c’est moi !

- Où je suis ?

- Au pôle nord.

- Hein ! Quoi ?

-Allez, viens, on va au chaud.

- Où tu m’emmènes ?

- Quelque part où tu n’auras pas froid.

Ai-je le choix ? De toute façon, il n’y a que de la neige à perte de vue et le froid glacial de cet endroit me fait frissonner. Il est donc préférable de le suivre que de rester à geler sur place. Ma décision prise, nous marchons ensemble et arrivons devant une sorte d’immense chalet. Dean ouvre la porte et à cet instant un bruit assourdissant de pleurs d’enfants, nous envahit. Une vieille femme s’approche de nous pour nous souhaiter la bienvenue et se présente par la même occasion.

- Bonjour Sammy, me dit-elle en souriant.

- Bonjour, lui répondis-je en bafouillant, regardant autour de moi.

- Je suis la Mère Noël.

- Où suis-je ? Osais-je lui demander.

-Vous êtes au pôle nord chez le Père Noël. Cet endroit est une crèche d’enfants. Ils deviendront plus tard des petits lutins pour aider le Père Noël à la fabrication des jouets.

A cet instant, je me dis que ce que je vois est digne de l'Etrange Noël De Monsieur Jack. Mais qu’est-ce que je fous ici ? Comment suis-je arrivé chez le père noël et surtout pourquoi mon frère qui est décédé est là, avec moi ? Ce n’est pas possible. Je dois être en train de rêver. Mon frère referme la porte puis la vieille dame souriante m’invite à la suivre jusqu'à une autre pièce moins bruyante. La salle dans laquelle nous entrons est spacieuse, avec une magnifique cheminée à laquelle sont accrochées des bottes de feutrine rouge et blanche et des guirlandes dorées. Au fond de cette salle à manger il y a un superbe sapin décoré avec de belles boules or et bleues et orné de guirlandes de perles blanches. Au pied du sapin, il y a des cadeaux. Elle nous invite à nous assoir à table, pour boire une tasse de thé pour nous réchauffer. Tout en m’asseyant je scrute cet endroit et me pose une multitude de questions auxquelles je n’arrive pas à trouver de réponse. Pendant que la vieille dame souriante prépare le thé dans la cuisine, j’essaye de poser des questions à mon frère Dean pour en savoir plus sur ce que je fais ici.

- Dean ?

- Oui Sammy.

- Qu’est ce que je fous ici ? Je suis mort ?

- Ne me demande pas ça.

- Comment ça, ne me demande pas ? Alors dis-moi comment je suis arrivé au pays du père noël, bien que je sache depuis longtemps qu’il n’existe pas !

- Disons que tu es comme dans « Au delà du réel.»
- Tu veux dire comme dans la quatrième dimension ?

- Je ne dirais pas ça, mais plutôt dans une réalité virtuelle.

- Ah oui, mais comment je suis arrivé là ?

- Sammy.

- Quoi ?

- Arrête avec tes questions et profite de l’instant présent.

La mère noël revient avec une théière à la main et un plateau comportant trois tasses et des petits pains d’épices en forme d’étoile qu’elle dépose sur la table. Elle nous sert une tasse de thé. J’en bois une gorgée et prends un petit pain d’épice que je porte à ma bouche pour le déguster. Soudainement je suis pris par un violent mal de tête. Je mets ma main droite sur mon front et frotte celui-ci pour soulager la douleur qui venait de me prendre par surprise. La douleur ressentie est si forte que je prends ma tête entre mes mains, et lance un cri de douleur. Je me sens si faible que je m’écroule à terre. Mon frère Dean se précipite auprès de moi, essayant de savoir ce qui m’arrive.

- Sammy ?

- Dean !

- Une vision ?

- Non ! Mais ça fait un mal de chien. Aaahhhhh !

Cette douleur est devenue si insupportable et douloureuse que je finis par m’évanouir.

Lorsque j’émerge enfin, je vois Bobby qui se bat avec le génie. Il m’apprendra un peu plus tard que, n’ayant pas de nouvelles de ma part, il avait entrepris de venir me chercher et que lorsqu’il était arrivé sur place, il m’avait retrouvé suspendu à une poutre du plafond avec une aiguille de perfusion planté au niveau de la veine jugulaire. Le sang qui s’écoulait de mon cou par la tubulure se vidait dans une poche déjà à moitié remplie. Bobby avait retiré l’aiguille fine de métal de la veine de mon cou et avait entrepris de me détacher en coupant mes liens, lorsque le génie le surpris. Le combat avec le vieux chasseur s’engage alors et c’est là que je reprends conscience.
Je secoue mon corps plusieurs fois afin de me libérer pour aider Bobby. La corde cède enfin mais le Djinn est arrivé à immobiliser le vieux chasseur. Sa main bleu électrique s’approche de plus en plus du visage de Bobby qui est sur le point de le faire sombrer dans l’inconscience. Je ramasse précipitamment le couteau que mon ami a fait tomber pendant le combat et je l’enfonce rageusement dans le dos du djinn. Sous l’effet de la violente blessure que je lui ai infligée, la lumière bleu électrique qui illuminait ses tatouages s’éteint progressivement et il s’écroule sur le carrelage. Epuisé et affaibli par ce que ce Djinn m’a fait subir, je m’effondre à mon tour et tombe de nouveau dans l’inconscience.
Bobby arrive auprès de moi et essaye de me réveiller en tapotant légèrement mes joues et en m’appelant.

- Sam! Sam! Réveille-toi, Sam ! Allez, fais un effort mon garçon ! Sam, allez, réveille-toi !

Mais le son de sa voix est lointain et j’ai du mal à réagir. Ne voyant aucune réaction de ma part, Bobby décide d’appeler les urgences. C’est au moment où il compose le numéro que je reprends finalement connaissance. J’ouvre mes paupières et fixe mon ami.

- Tu m’as fais peur gamin ! Comment tu te sens ?

- J’ai mal derrière la tête, lui indiquais-je en me redressant difficilement en position assise.

- Attends, laisse-moi voir.

- Non, c’est rien Bobby. Ca va aller.

- Laisse-moi en juger.

Bobby examine l’arrière de ma tête et m’informe que j’ai une jolie entaille qui saigne abondamment et qui nécessite quelques points de sutures. Sur un ton compatissant et plutôt paternel, il m’ordonne :

- Reste tranquille gamin, je vais voir si je trouve de quoi te soigner dans le magasin.

- Où tu veux que j’aille ! Lui répondis-je un peu sonné.

Bobby vole sur les étagères de ce drug-store, de l’alcool, du coton, du fil noir, des aiguilles à coutures, des pansements, ainsi qu’une petite bouteille d’eau minérale et des comprimés de paracétamol avant de revenir vers moi. Je regarde ce que Bobby à ramener dans ses mains.

- heu... Tu compte payer ce que tu as volé ? Lui dis-je en souriant, l’air moqueur.

- Non je n’ai pas un copeck sur moi. Fais-moi un procès ! Suggéra-t-il en tentant d’arrêter l’hémorragie de ma blessure.

- Dis tu n’a rien trouvé d’autre comme désinfectant ?

- Non ! Maintenant arrête de bouger, que je puisse te soigner et qu’on puisse partir de cet endroit.

A chaque fois que Bobby dépose le coton imbibé d’alcool je grimace tellement ça brûle. Mais je sais que cette douleur n’est rien comparée à ce que je vais ressentir lorsqu’il va me recoudre. Quand il enfonce l’aiguille dans la peau de mon crâne, j’essaye de ne pas bouger. Mais la douleur est si intense que je grimace et gigote tout en lançant des « Aïe ! »

- Sam ! Arrête de bouger !

- Je suis désolé Bobby, mais ça fait vraiment très mal !

- Allez, courage mon garçon, j’ai presque fini.

C’est facile à dire ! Entre l’alcool, les points de sutures et ce mal de tête qui persiste, j’ai vraiment hâte que le vieux chasseur ait fini de me recoudre. Une fois mes soins terminés, Bobby me donne deux comprimés de paracétamol, pour soulager cet affreux mal de tête. Ensuite il m’aide à me relever du sol et nous partons de ce lieu sinistre. Je monte dans l’impala et Bobby dans sa voiture et nous nous dirigeons en direction d’une droguerie ou je m’achète quelques décorations de Noel et ce qu’il faut pour faire le lait de poule. Puis nous retournons tous les deux au motel.
Je décore la chambre et prépare le lait de poule et en remplis deux verres. Bobby me lance un regard compatissant et nous trinquons à Dean. Il reste la nuit avec moi et au crépuscule repart chez lui, me laissant de nouveau désespérément seul. Je profite de ce moment pour raconter par écrit l’histoire de cette aventure qui a failli me coûter la vie. Ce Djinn m’a fait vivre un moment extraordinaire en compagnie de mon grand frère qui me manque tant. Est-ce cela la magie de Noël ? Je ne pense pas, mais cette expérience restera inoubliable.

Cher journal,

Aujourd’hui nous sommes le 25 décembre 2008 et c’est noël. Aujourd’hui j’ai fais un rêve incroyable. J’ai rêvé que j’étais avec mon frère Dean et ce songe est un des plus beaux que j’ai fais. Le revoir m’a fait le plus grand bien, même si c’était irréel. Malheureusement, il a fallu que je me réveille. Dean est mort et je ressens toujours ce vide au plus profond de moi.

Fin

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